Haut potentiel intellectuel : une souffrance ou un atout ?

un animal rayé inapprivoisable 

Dans les informations que l'on peut trouver en parcourant la plupart des bouquins sur le sujet (du moins les plus populaires), le terme "zèbre" revient régulièrement pour qualifier une personne avec un haut potentiel intellectuel. Ce terme est propulsé sur le devant de la scène par la psychologue Jeanne Siaud-Facchin dans son ouvrage traitant du sujet, "L'enfant surdoué" sorti aux éditions Odile Jacob en 2002. Le surnom zèbre est choisi par la thérapeute pour désigner les enfants intellectuellement précoces (EIP), cette dernière jugeant l'acronyme un peu trop barbare à son goût.

La psychologue donne une explication plus approfondie de ce choix dans son best-seller "Trop intelligent pour être heureux ? L'adulte surdoué.", sorti en 2008 aux éditions Odile Jacob, page 22, Je cite :

"Je continuerai donc à préférer le zèbre, cette terminologie que j'ai choisie pour se dégager des représentations pesantes. Le zèbre, cet animal différent, cet équidé qui est le seul que l'homme ne peut apprivoiser, qui se distingue nettement des autres dans la savane tout en utilisant ses rayures pour se dissimuler, qui a besoin des autres pour vivre et prend un soin très important de ses petits, qui est tellement différent tout en étant pareil. Et puis les rayures des zèbres sont uniques et permettent de se reconnaître en eux."

Ca fait cogit'er

Le récit est digne des meilleures succes-stories d'une scène TEDx mais, si l'on prend le temps de s'attarder sur le fond, une odeur désagréable pointe le bout de son nez.

Mme Siaud-Facchin nous affirme qu'elle a fait des recherches approfondies pour valider ses constatations sur son échantillon clinique. Il est vrai que J-C Terrassier, Rémy Chauvin et Kazimierz Dąbrowski sont tous plutôt en accord avec ses dires mais il me semble pertinent de vous informer que Monsieur Chauvin est biologiste avec des sujets de prédilection comme le paranormal, la vie après la mort, la voyance et les ovnis. Le psychiatre Kazimierz Dąbrowski, quant à lui, est à l'origine de la théorie de la désintégration positive, une approche du développement de la personnalité vivement critiquée par ces pairs et tombée dans l'oubli à la fin des année 70. Etonnant de se concentrer sur ces travaux alors qu'il y a, avant les années 2000, déjà des études montrant qu'un QI élevé favorise l'intégration et la réussite dans le monde professionnel ( par exemple Schooling, intelligence, and income publié en 1997 par Ceci, S. J et Williams, W. M. dans la revue American Psychologist). Il ne semblerait pas extrapolé de dire que nous sommes en présence d'un potentiel biais de confirmation. Il est intéressant également de mentionner que bon nombre d'études sont actuellement disponibles, dont les résultats montre que les personnes HPI ne sont pas plus sujettes aux troubles que les autres.

Notre "spécialiste hp" a tendance à attirer les associations de lutte contre les dérives sectaires. En effet, deux anciens employés de chez Cogito'z dénoncent une emprise sur les patients et des diagnostics peu crédibles. 8 patients de Cogito'z ont déposé une requête à la Miviludes (Mission Interministérielle contre les Dérives Sectaires), permettant la mise en lumière de l'aspect tendancieux de ces centres. L'Unadfi (Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes) s'intéresse également au cas.

Jeanne Siaud-Facchin flirt également avec les milieux ésotériques et spirituels, se retrouvant sur le site de voyages-interieurs.com comme Intervenante de Voyages Intérieurs. Elle a aussi été vue au Festival pour l’École de la vie de Montpellier, manifestation donnant la parole aux scientologues, anthroposophes et autres mouvements pseudoscientifiques ou sectaires. Lors d'une vidéo sur sa chaine Youtube, Mme Siaud-Facchin donne un crédit scientifique aux élucubrations de Didier van Cauwelaert sur la communication avec l'au-delà et la vie après la mort. Pour information, ce dernier affirme avoir été en contact avec Albert Einstein et Nikola Tesla par le biais d'une médium.

Elle croit bien ce qu'elle veut !

Mais alors qu'est ce qu'un HPI ?

Je le rappelle à nouveau, selon les données scientifiques actuelles, rien n'indique que les personnes à haut potentiel sont plus sujettes à des troubles associés et que si, trouble associé il y a, ces derniers ne sont PAS liés à des capacités intellectuelles hors norme. 

Afin de vous renseigner correctement sur le sujet, je vous conseille de vous attarder sur les écrits et conférences de véritables spécialistes du sujet comme Nicolas Gauvrit, mathématicien, psychologue et enseignant-chercheur spécialisé en sciences cognitives et psychologie, Franck Ramus, chercheur en sciences cognitives et directeur de recherche au CNRS, ou encore Stéphanie Aubertin, psychologue neuropsychologue, spécialisée dans l’accompagnement des personnes surdouées, enfants et adultes. 

Mon témoignage

Je ne peux clore ce chapitre sans vous parler de mon expérience personnelle. 

Il y a quelques temps, je me suis retrouvé en questionnement face à mon fonctionnement qui, de mon point de vue, semblait différer de la norme. Une personne de mon entourage, ayant un attrait pour la psychologie, me fait découvrir le monde du haut potentiel (dont j'ignorait tout jusqu'à ce jour). En me renseignant sur cet univers, je perçois quelques similitudes avec mon fonctionnement et me décide, après quelques temps, à contacter une psychologue spécialiste de la passation du WAIS IV avec un compte-rendu en bonus. La prestation n'est pas donnée (900.-) mais, si le bilan peut m'aider à comprendre ma vie, ce n'est pas cher payé. Je me retrouve donc dans une salle pour passer mon test avec une psychologue qui scrute avec attention chacun de mes comportements. Arrivé au terme du test, un long moment de silence s'impose puis le résultat est tombé : "Vous êtes HP. Votre test indique un QI en dessus de 130. Maintenant parlez-moi de votre vécu.". Je m'exécute en développant sur mon anxiété sociale, mes intérêts restreints et mon incompréhension des conventions sociales. Sa réponse fût la suivante "Ah! C'est typique! Vous avez besoin d'exprimer votre potentiel. Vous êtes décalé par rapport à ce monde avec votre intelligence supérieure. Il va falloir trouver quelqu'un pour vous suivre et travailler sur votre anxiété sociale et vos potentiels traumatismes. Je vous conseille de vous orientez plutôt vers des médecines alternatives comme la sophrologie."

N'étant pas spécialement ami avec les pseudosciences, cette dernière phrase me laisse un goût amer en sortant du rendez-vous.

Par la suite, j'entreprends des recherches afin de trouver un.e spécialiste pouvant m'aider à "comprendre mon fonctionnement zèbre". La tâche s'avère plus difficile que prévu. Les psychiatres/psychologues disponibles se font rares et mes difficultés à contacter les gens par téléphone n'arrangent rien. Les mois passent...

Quelques mois plus tard, je finis aux urgences psychiatriques suite à une colère intérieur, me provocant des tremblement, impossible à calmer. Je me retrouve en arrêt de travail, complétement à bout, et cherche activement quelqu'un pour me suivre. Parallèlement à cela, je me retrouve avec la BD de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline entre les mains, "La différence invisible" (août 2016, éditions Delacourt). Je termine l'ouvrage la larme à l'œil en me répétant à voix basse "C'est moi... C'est complétement moi...". Ce bouquin, traitant de l'autisme sous forme de témoignage, est le point de départ de mes recherches sur le trouble du spectre autistique.

Durant mes vagabondages sur le net, je tombe fréquemment sur des réflexions de type "Le HPI peut se confondre avec l'autiste asperger". Très bien, mais pour quelle raison il y a deux termes différent dans ce cas. Je continue de creuser puis m'arrête de plus en plus régulièrement sur des témoignages et vidéos parlant des croyances concernant le HP et, parallèlement, je me reconnais de plus en plus dans l'autisme. 

Après plusieurs psychologues que je qualifierais d'incompétentes pour diverses raisons, je décide de contacter un éminent spécialiste de l'autisme dans ma région, un dimanche matin, par mail, en lui décrivant, dans les moindres détails, ma situation et mon questionnement. Ce psychiatre me répond en 15 minutes et me propose un rendez-vous pour le lendemain. Je m'écroule de soulagement.

Je suis diagnostiqué Autiste Asperger selon le CIM-10 mais la classification qui prévaut est celle du DSM-5, soit TSA de niveau 1. J'ai repris mon travail en aménageant ce dernier pour une meilleure cohésion avec les difficultés liées à mon autisme et ma qualité de vie s'en voit grandement améliorée.

Pour l'autisme, énormément de ressources sont disponibles mais je vous conseille vivement "La différence invisible", si le sujet vous intéresse, et les vidéos de l'autrice, Julie Dachez.

Conclusion

Internet regorge d'informations diverses et variées mais il est capital, de nos jours, de faire le tri et de croiser ses sources pour éviter de tomber dans des croyances. Si vous vous sentez concerné.e.s par le haut potentiel comme décrit par Jeanne Siaud-Facchin, questionnez-vous sur les raisons qui vous pousse dans cette direction et faites un travail de recherche sur vos difficultés pour vous assurer de ne pas passer à côté d'une information capitale qui pourrait changer votre vie.

Il y a encore beaucoup de sujets à traiter autour du HP. L'hypersensibilité, la pensée en arborescence, les HPE, des croyances qui méritent que l'on s'y attarde. De prochains articles suivront probablement sur ces sujets. Ce dernier m'ayant pris énormément d'énergie et de temps, il va se passer un moment avant que je me relance dans cette voie. Mais ça viendra.

A bientôt

Le Renard

Illustrations : Chloé Singer

Rédaction : Le Renard

Sources :