J'ai perdu mon sourire

Publié le 7 septembre 2023 à 10:07

Dix. Voilà dix jours que je me tente à l'écriture de cet article. Voilà dix jours que, chaque matin, je me dis "cette fois c'est la bonne!". Voilà dix jours que je me réveille avec les idées qui fusent, puis, devant mon écran, dépité, je vois ces idées couler dans l'obscurité d'un gouffre sans fond, tentant désespérément de les récupérer mais constatant, avec effroi, le gigantisme de cette noirceur qui, après s'être nourrie de mon inspiration, envahi mon âme et mon corps, me laissant seul, dans une cellule dont les parois sont infinies et au sein de laquelle aucune lumière ne pénètre. Je vous livre, ici, le récit de mon quotidien actuel. Pour quelle raison ? Parce que l'écriture est un pansement. Parce que si ces quelques mots résonnent en vous comme un écho de votre vie, je souhaite vous dire que vous n'êtes pas seul(e).   

Photo : Sasha Freemind

Il n'y aura pas de paragraphe. Pas de mise en page. Pas de recherche. Je n'ai la capacité que d'écrire ces lignes. 

Toute ma vie, je me suis senti différent. À l'écart d'un monde que je ne comprenais pas. J'ai tenté de m'adapter et de faire des efforts pour m'intégrer. Je pensais avoir réussi.

Mon diagnostic d'autisme tardif m'a frappé en plein visage, comme un boomerang des conséquences d'une sur-adaptation trop longtemps ignorée. Je savais que j'étais différent mais, lorsque j'ai commencé mon traitement anxiolytique, j'ai compris, également, de par son effet antidépresseur, que je n'avais jamais connu la joie sur le long terme. J'ai compris que j'avais passé une vingtaine d'années de ma vie dans la noirceur. Pour moi, les quelques minutes de bonheur que je pouvais ressentir certains jours étaient une norme. 

Aujourd'hui, je prends conscience de cette enveloppe de ténèbres qui m'entoure constamment. Depuis le début de cette année, mon existence a pris un virage serré comme un point de non-retour. Persuadé de mes capacités à encaisser, j'ai entamé cette courbe à vive allure mais, c'est avec violence que j'ai constaté que mon adhérence était faible. Je suis, actuellement, planté dans un arbre à la sortie de ce virage, cherchant des solutions. Je vois mes espoirs professionnels s'écrouler comme un château de carte, que j'ai mis des années à stabiliser, balayé par le vent, comme si rien n'avait jamais existé.

"Bouges-toi", "Sors, ça te fera du bien", "Être triste ça arrive des fois". Les personnes n'ayant jamais connu la dépression ne peuvent pas imaginer. Elles ne sont pas à blâmer. Je ne suis pas triste. Je ne suis pas en colère. Je ne suis pas mélancolique. Je ne suis rien.

Le vide et l'apathie sont à leur paroxysme. Je suis une particule qui, au gré du vent, virevolte de gauche à droite, sans but, sans émotion, sans vie. Je ne ressens rien. Même les activités qui me tiennent le plus à cœur n'ont aucun effet. 

À cet instant, je cherche, par tous les moyens, à rester concentré sur ces ligne mais mon regard se détourne et se perd dans un coin de la pièce pendant plusieurs minutes, mon champ de vision se rétrécit et je pars dans le néant, là où le silence généré par mon casque à réduction de bruit se marie parfaitement avec l'errance de mon esprit. Par moments, de l'anxiété surgit, me procurant un peu de joie car me confirmant que je suis encore en vie. Les jours se suivent et se ressemblent. Vide de sens. Je cherche des réponses à des questions que je ne connais pas.

Je sais que je ne parcourrai pas ma vie dans cet état. Je suis conscient que ce n'est qu'un passage. Mais, dans cette obscurité, les secondes passent comme des heures. Le temps se fige et la souffrance découlant de cet état semble éternelle, à l'image de l'enfer biblique.

La moindre action est un effort. Marché, discuter, sourire. Je me perds dans l'inexistence, espérant apercevoir une lueur à tout moment.

 

J'ai perdu mon sourire.

 

       

Photo : Sydney Sims

N'oubliez pas que, souvent, la dépression n'est pas perceptible de l'extérieur. Un sourire peut dissimuler de la souffrance.

 

 

Bien à vous

 

 

Le Renard

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