L'hypersensibilité

Illustration générée par IA (DALL-E)

Elaine Aron

Dans les années 90, une psychologue américaine du nom de Elaine Aron commence à s'intéresser à sa propre sensibilité qui, selon elle, est en dessus de la moyenne. De ce point de départ nait le terme anglais "Highly Sensitive Person" (HSP) que l'on peut traduire par "individu avec une haute sensibilité". La psychologue et chercheuse en psychologie en fait son domaine de prédilection et publie trois livres sur le sujet, "Ces gens qui ont peur d'avoir peur" (Editions de l'Homme, 2013), "Hypersensible mieux se comprendre pour s'accepter (Editions Marabout, 2017) et "Aimer quand on est hypersensible" (Editions Leduc S., 2019). Dans le même temps, elle crée un test, composé de 23 questions, pour déterminer la propension à l'hypersensibilité. Selon Mme Aron, le Sensoring Processing Sensitivity ou tempérament hypersensible se détermine selon certains critères comme une empathie plus forte, une tendance à se retrouver submergé face à l'obligation de réaliser plusieurs choses dans un laps de temps restreint, une nécessité à organiser sa vie pour éviter les situations stressantes, avoir une vie intérieur riche et complexe et d'autres critères similaires.

Lorsque l'on observe ce qui détermine un(e) HSP, un constat se fait rapidement. Un effet barnum est présent puisque les perceptions de ce genre de critères sont totalement subjectives. Nous retrouvons les mêmes problématiques que dans les croyances liées aux personnes à haut potentiel intellectuel, que je développe dans mon article sur le sujet.

Le questionnaire ainsi que la vision d'Elaine Aron sont remis en question depuis un certain nombre d'années, notamment par Stéphanie Aubertin, dénonçant une définition vague du concept d'hypersensibilité et une trop grand nombre de biais dans les recherches de la psychologue américaine. 

Recherches biaisées

La carte de l'incompris(es)

Lorsque l'on entend une personne expliquer que son enfant a des difficultés scolaires et sociales car, selon les articles qu'elle a lu sur internet, iel est hpi ou hypersensible, la plupart du temps nous avons à faire à un parent qui refuse d'admettre que sa progéniture à un problème comportemental ou un trouble psychologique. Zèbre, hypersensible, des mots "fourre-tout" permettant aux parents de jouer la carte de l'enfant prodige incompris(e), trop intelligent(e), trop sensible. Je me permets un petit conseil à ces derniers : l'utilisation du rasoir d'Ockham. Votre enfant a-t-iel des problèmes de comportement liés à une éducation peut-être lacunaire ? A-t-iel un trouble lui empêchant d'être performant(e) à l'école (troubles de dys, TDAH,...) ? Fait-iel partie des 2,3% de la population mondiale qui se retrouve à l'extrémité haute de la courbe du quotient intellectuel ? Ou est-iel hypersensible au sens des hypothèses d'Elaine Aron dont la véracité est encore débattue ? Posez-vous la question des probabilités.

Si vous souffrez d'hypersensibilité au bruit (hyperacousie), cette caractéristique, pouvant être handicapante, est mesurable par des tests médicaux. Si vous vous sentez plus irritable que la moyenne, peut-être que vous êtes proche du surmenage et qu'il serait judicieux de prendre vos vacances et de vous reposer. Surtout, rappeler-vous que vos perceptions sont subjectives et ne vous engouffrez pas dans des autodiagnostics qui ne résolvent pas vos problèmes.   

Quand est-il objectivement ?

Le problème soulevé dans cette article ne relève pas de la validation de l'existence de l'hypersensibilité mais plutôt de l'association de cette dernière avec des traits de personnalité. L'hyper ou hypoesthésie est le terme courant pour parler de sensibilité supérieur ou inférieur à la normal concernant un ou plusieurs sens et est une notion tout à fait valable scientifiquement. Par exemple, pour les personnes vivant avec un TSA (mon article sur l'autisme), l'hypoesthésie et/ou l'hyperesthésie y sont souvent associées. Je suis, personnellement, sujet, entre autres, à l'hyperacousie qui me donne une perception des sons amplifiée et désagréable, ce qui peut donner lieu à un épuisement voir une crise de colère. Je palie à ce handicap en portant des protections auditives la major partie du temps.   

Photo : Elyas Pasban

Conclusion

A l'heure actuelle, il est vraisemblablement incorrect de lier des traits de personnalité aux personnes souffrant d'hyperesthésie. Par conséquent, l'hypothèse avancée par Elaine Aron et reprise par la majorité des articles traitant du sujet, dans laquelle se lierait une personnalité bien distincte, semble infondée. Son questionnaire de détection de l'hypersensibilité, étant sujet à débat, n'est pas un outil fiable. L'hypersensibilité semble mesurable dans certains cas précis mais, ces perceptions étant multifactorielles, il est difficile d'établir des règles précises. A mon sens, il est préférable de rester prudent sur cette notion et de ne pas tirer des conclusions trop hâtives. Je vous recommande la vidéo de Pedro Sanchau alias Psykocouac sur l'hypersensibilité pour comprendre pourquoi il est compliqué de déterminer si un individu est sujet à une sensibilité au dessus de la moyenne.

Bien à vous

Le Renard